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L'Assommoir

Gervaise, L'Assommoir
Gervaise, L'Assommoir

Bibliothèque nationale de France

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Le septième volume de la série des Rougon-Macquart, L’Assommoir est publié en librairie, chez Charpentier, le 24 janvier 1877. L'ouvrage est immédiatement attaqué par la presse qui le qualifie d'œuvre immorale, fétide et malsaine. « L'Assommoir est à coup sûr le plus chaste de mes livres » se défendit Zola, qui souhaitait présenter les ravages de l'alcool dans le milieu ouvrier parisien de la manière la plus fidèle possible.

La peinture du milieu ouvrier parisien

On n'attaque bien le mal qu'avec un fer rouge.

Émile Zola dans un article au Figaro rapporté par Henri Miterrand, Zola, tome II : L'Homme de Germinal 1871-1893 , 2001.

Septième volume de la série des Rougon-Macquart, L’Assommoir a été publié en librairie, chez Charpentier, le 24 janvier 1877. Les six premiers chapitres ont paru en feuilleton dans Le Bien Public, du 13 avril au 7 juin 1876. Interrompue par les réactions indignées des lecteurs du journal, la publication a repris, à partir du chapitre VII, dans La République des lettres (revue littéraire dirigée par Catulle Mendès), du 9 juillet 1876 au 7 janvier 1877.

D’après le Dictionnaire de la langue verte d’Alfred Delvau (1866), un « assommoir » est un cabaret « de bas étage » dans lequel « le peuple boit des liquides frelatés qui le tuent ». La logique de l’intrigue développe ce thème d’une mort progressive qu’annonce le titre. Le roman tire sa force de la peinture sociologique qu'il fait du milieu ouvrier parisien, à partir de l'étude médicale de l'alcoolisme et de ses effets destructeurs.

Portrait d’Émile Zola dans L’Assommoir
Portrait d’Émile Zola dans L’Assommoir |

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Émile Zola, L'Assommoir, plan général
Émile Zola, L'Assommoir, plan général |

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Le dossier préparatoire rassemble une importante documentation technique, en particulier les notes d'une enquête réalisée dans le quartier de la Goutte-d'Or, dans le courant de l'automne 1875. On y voit évoqués les lieux qui seront ceux du roman : le cabaret, le lavoir, la forge, ou la blanchisseuse. Le romancier présente ainsi le sujet de son roman : « Montrer le milieu peuple, et expliquer par ce milieu les mœurs peuple ; comme quoi, à Paris, la soûlerie, la débandade de la famille, les coups, l'acceptation de toutes les hontes et de toutes les misères vient des conditions mêmes de l'existence ouvrière, des travaux durs, des promiscuités, des laisser-aller, etc. » (Émile Zola, Dossier préparatoire à l'Assommoir).

L’ouvrage raconte, en treize chapitres, la grandeur et la décadence de Gervaise Macquart, blanchisseuse dans le quartier de la Goutte-d'Or, à Paris. Après avoir été abandonnée par son premier amant, Lantier, Gervaise épouse l'ouvrier zingueur Coupeau. Elle ouvre une boutique de blanchisserie et parvient à conquérir une certaine aisance. Elle célèbre son succès (évoqué dans le chapitre central du récit) en organisant une grande fête à laquelle participe tout le quartier. Mais le destin la guette. Victime d'un accident de travail, Coupeau, s'est mis à boire. Et le couple est entraîné progressivement dans la déchéance et dans la mort.

L’immeuble de la Goutte-d’Or
L’immeuble de la Goutte-d’Or |

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L’Assommoir, plan de la maison de la Goutte-d’Or
L’Assommoir, plan de la maison de la Goutte-d’Or |

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L'espace du roman se limite, pour l’essentiel, au quartier de la Goutte-d'Or. Entre la ville et la campagne, toute proche, c'est, sous le Second Empire, un lieu encore indistinct où viennent s'entasser les populations ouvrières fraîchement débarquées dans la capitale : une terre d'immigration, qui accueille les déshérités. Le promeneur qui parcourt aujourd’hui le quartier du 18e arrondissement de Paris peut retrouver, aux alentours du métro Barbès, les lieux qui forment le décor du roman. L’histoire commence au carrefour que forment le boulevard Rochechouart, le boulevard de la Chapelle et la rue des Poissonniers (dont la partie inférieure est devenue, aujourd’hui, le boulevard Barbès). C’est là que se situe l’hôtel Boncœur qui accueille Gervaise, au moment de son arrivée à Paris. À quelques mètres se dresse le bistrot du père Colombe, appelé « l’Assommoir ». La rue de la Goutte d’Or est toute proche. Le romancier y a placé la blanchisserie qu’ouvre Gervaise, au rez-de-chaussée d’une « grande maison » qui est une sorte de cité ouvrière où vivent la plupart des personnages. La tragédie que vit le personnage central possède ainsi une forte unité de lieu : elle est enfermée dans le quadrilatère que forment le boulevard de la Chapelle, la rue des Poissonniers, la rue de la Goutte d’Or et la rue Neuve de la Goutte d’Or (aujourd’hui, rue des Islettes).

La tragédie de l'alcoolisme

C'est une œuvre de vérité, le premier roman sur le peuple, qui ne mente pas et qui ait l'odeur du peuple.

Émile Zola, L'Assommoir , Préface, 1877.

Le roman met en scène des personnages plongés dans un monde hostile qui les rejette, victimes de leurs conditions de vie et de ce mal qui les guette, à la moindre défaillance : l'alcoolisme. Zola n’est pas un moraliste naïf qui verrait dans l'abus de la boisson la grande raison des malheurs de la classe ouvrière. En mettant en scène la tragédie de l'alcoolisme, il se conforme au discours des médecins et des économistes de son époque. Désireux d'agir sur la conscience de ses lecteurs, il décrit l'évolution clinique du mal, jusqu'à la folie et à la mort : le chapitre XIII, qui dépeint le delirium tremens de Coupeau dans la cellule matelassée de l'hôpital Sainte-Anne, constitue, de ce point de vue, l'aboutissement logique de l'intrigue. Il ne s'agit pas pour Zola d'égarer le lecteur dans des anecdotes pittoresques, mais de traiter un problème grave, dont la présence est obsédante, comme le serait aujourd'hui celui de la drogue pour un romancier contemporain.

Les Rougon-Macquart
Les Rougon-Macquart |

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Deux buveurs attablés
Deux buveurs attablés |

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Le roman fut attaqué par la presse républicaine qui reprocha à Zola d'avoir donné une vision dégradante de la classe ouvrière et l'usage d'un vocabulaire argotique choqua une partie des critiques. « Mon œuvre me défendra », écrivit Zola, en réponse à ces attaques, dans la préface qu’il publia en tête de l’ouvrage, en janvier 1877. De fait, L’Assommoir rencontra un grand succès public et il contribua à faire de Zola le chef de file du mouvement naturaliste : près de 40 000 exemplaires furent vendus, en 1877, au cours de la première année de publication ; on atteignit le chiffre de 127 000 exemplaires, en 1893, à la fin de la publication du cycle des Rougon-Macquart, et 151 000 exemplaires, en 1902, au moment de la mort de l’écrivain.

L'Assommoir, pièce en 9 tableaux tirée du roman d'Emile Zola
L'Assommoir, pièce en 9 tableaux tirée du roman d'Emile Zola |

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L'Assommoir du père Colombe
L'Assommoir du père Colombe |

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L’Assommoir fut adapté au théâtre en 1879 (un drame en 5 actes et 9 tableaux de William Busnach et Octave Gastineau, réalisé à l'initiative de Zola). Au cinéma, on compte une dizaine d'adaptations françaises, anglaises et américaines, dont Gervaise de René Clément, en 1956, avec Maria Schell, dans le rôle de Gervaise, et François Périer, dans celui de Coupeau.

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