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Livre à feuilleter

Le voyage d’Urien

André Gide et Maurice Denis
Le voyage d'Urien
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Voyage sur l’océan pathétique : Les sirènes

fol. 46 : Voyage sur locéan pathétique

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« Fuyons, fuyons, disait-il, ― des sirènes habitent l’île et nous les avons vues. […] Elles étaient couchées dans les algues, dit Agloval, et leurs cheveux ruisselants qui les couvraient tout entières, verts et bruns, semblaient des herbes de la mer ; […] elles avaient des mains palmées, dit Cabilor, et leurs cuisses couleur d’acier luisaient, couvertes d’écailles. » (p. 15-18)

fol. 46 : Voyage sur locéan pathétique
Voyage sur l’océan pathétique : Les sirènes

 

fol. 47 : Les sirènes

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« ― Je les ai vues comme des oiseaux, dit Paride, comme de grands oiseaux de mer au bec rouge ― n’est-ce pas qu’elles avaient des ailes ? ― O non ! non, dit Morgain, ― elles étaient pareilles à des femmes et très belles ― voilà pourquoi je me suis enfui. ― Mais leurs voix, leurs voix, dites-nous, leurs voix comment étaient-elles ? Et chacun souhaitait les avoir entendues. ― Elles étaient, dit Morgain, comme une vallée d’ombre et comme l’eau fraîche aux malades. ― Puis chacun parla de la nature des sirènes et de leurs ensorcellements. » (p. 18)

fol. 47 : Les sirènes
Voyage sur l’océan pathétique : Les sirènes

fol. 46 : Voyage sur locéan pathétique

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« Fuyons, fuyons, disait-il, ― des sirènes habitent l’île et nous les avons vues. […] Elles étaient couchées dans les algues, dit Agloval, et leurs cheveux ruisselants qui les couvraient tout entières, verts et bruns, semblaient des herbes de la mer ; […] elles avaient des mains palmées, dit Cabilor, et leurs cuisses couleur d’acier luisaient, couvertes d’écailles. » (p. 15-18)

fol. 46 : Voyage sur locéan pathétique
Voyage sur l’océan pathétique : Les sirènes

 

fol. 47 : Les sirènes

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« ― Je les ai vues comme des oiseaux, dit Paride, comme de grands oiseaux de mer au bec rouge ― n’est-ce pas qu’elles avaient des ailes ? ― O non ! non, dit Morgain, ― elles étaient pareilles à des femmes et très belles ― voilà pourquoi je me suis enfui. ― Mais leurs voix, leurs voix, dites-nous, leurs voix comment étaient-elles ? Et chacun souhaitait les avoir entendues. ― Elles étaient, dit Morgain, comme une vallée d’ombre et comme l’eau fraîche aux malades. ― Puis chacun parla de la nature des sirènes et de leurs ensorcellements. » (p. 18)

fol. 47 : Les sirènes
Voyage sur l’océan pathétique : Les femmes

fol. 54 : Voyage sur l’océan pathétique 

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« Le vingt et unième jour, nous nous sommes arrêtés devant un rivage planté d’arbres. On apercevait, non loin de la mer, une ville ; une avenue d’eucalyptus y menait, ou se promenaient des groupes de femmes ; des deux côtés de l’avenue, entre les arbres, étaient dressés pour un marché des tréteaux et des baraques de toile ; et du navire on pouvait voir, aux taches rouges et jaunes qu’ils faisaient, les piments doux et les régimes de bananes. » (p. 23)

 

fol. 54 : Voyage sur l’océan pathétique 
Voyage sur l’océan pathétique : Les femmes

fol. 55 : Les femmes

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« Mais à sa hautaine franchise, ce fut chez eux une grande huée de scandale. Angaire dit alors qu’il n’aimait les femmes que voilées, mais que même ainsi il craignait qu’elles ne devinssent impudiques et de voir leur tomber la robe dès qu’un peu de tendresse advenait. ― Alors, ils éclatèrent de rire et se détournèrent de nous. ― À partir de ce jour, nous ne fûmes plus tous unis dans la même pensée ― et sentant très vivement ce que nous ne voulions pas être, nous commençâmes de savoir ce que nous étions. » (p. 25)

fol. 55 : Les femmes
Voyage sur l’océan pathétique : Les femmes

fol. 54 : Voyage sur l’océan pathétique 

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« Le vingt et unième jour, nous nous sommes arrêtés devant un rivage planté d’arbres. On apercevait, non loin de la mer, une ville ; une avenue d’eucalyptus y menait, ou se promenaient des groupes de femmes ; des deux côtés de l’avenue, entre les arbres, étaient dressés pour un marché des tréteaux et des baraques de toile ; et du navire on pouvait voir, aux taches rouges et jaunes qu’ils faisaient, les piments doux et les régimes de bananes. » (p. 23)

 

fol. 54 : Voyage sur l’océan pathétique 
Voyage sur l’océan pathétique : Les femmes

fol. 55 : Les femmes

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« Mais à sa hautaine franchise, ce fut chez eux une grande huée de scandale. Angaire dit alors qu’il n’aimait les femmes que voilées, mais que même ainsi il craignait qu’elles ne devinssent impudiques et de voir leur tomber la robe dès qu’un peu de tendresse advenait. ― Alors, ils éclatèrent de rire et se détournèrent de nous. ― À partir de ce jour, nous ne fûmes plus tous unis dans la même pensée ― et sentant très vivement ce que nous ne voulions pas être, nous commençâmes de savoir ce que nous étions. » (p. 25)

fol. 55 : Les femmes
Voyage sur l’océan pathétique : L’eau de glace

 

fol. 64 : Voyage sur l’océan pathétique

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« Morgain a la fièvre. Il nous a demandé pour mettre sur son front, de la neige éternelle. ― Nous avons relâché devant une île où se dressait une montagne très élevée. Nous sommes descendus ; Nathanaël, Ydier, Alain, Axel et moi, nous avons marché vers les neiges. ― Longtemps après nous pensions encore à cette île, car elle était calme et charmante ; à cause des glaciers descendus jusqu’en la vallée, un air presque frais circulait. Nous marchions joyeux de nous sentir si pacifiques. » (p. 31)

fol. 64 : Voyage sur l’océan pathétique
Voyage sur l’océan pathétique : L’eau de glace

fol. 65 : L’eau de glace

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« Nous étions parvenus au pied du glacier translucide ; une fontaine claire s’est montrée. Elle stillait doucement de sous la glace ; un quartz poli, qu’elle avait creusé en calice, la recueillait. Nous en remplîmes notre fiole de cristal pour en rapporter à Morgain. Eau de glace, qui pourra dire ta pureté ! ― Dans les gobelets où nous en bûmes, elle était encore azurée ; elle était limpide et si bleue, qu’elle avait toujours l’air profonde. » (p. 31)

fol. 65 : L’eau de glace
Voyage sur l’océan pathétique : L’eau de glace

 

fol. 64 : Voyage sur l’océan pathétique

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« Morgain a la fièvre. Il nous a demandé pour mettre sur son front, de la neige éternelle. ― Nous avons relâché devant une île où se dressait une montagne très élevée. Nous sommes descendus ; Nathanaël, Ydier, Alain, Axel et moi, nous avons marché vers les neiges. ― Longtemps après nous pensions encore à cette île, car elle était calme et charmante ; à cause des glaciers descendus jusqu’en la vallée, un air presque frais circulait. Nous marchions joyeux de nous sentir si pacifiques. » (p. 31)

fol. 64 : Voyage sur l’océan pathétique
Voyage sur l’océan pathétique : L’eau de glace

fol. 65 : L’eau de glace

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« Nous étions parvenus au pied du glacier translucide ; une fontaine claire s’est montrée. Elle stillait doucement de sous la glace ; un quartz poli, qu’elle avait creusé en calice, la recueillait. Nous en remplîmes notre fiole de cristal pour en rapporter à Morgain. Eau de glace, qui pourra dire ta pureté ! ― Dans les gobelets où nous en bûmes, elle était encore azurée ; elle était limpide et si bleue, qu’elle avait toujours l’air profonde. » (p. 31)

fol. 65 : L’eau de glace
Voyage sur l’océan pathétique : Captivité

fol. 68 : Voyage sur l’océan pathétique

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« Dans cette île où nous descendîmes pleins d’espoir et dont nous ne partîmes longtemps après que le cœur navré d’une horreur grandiose, pour beaucoup finit le voyage. Nous qui l’avons continué, laissant derrière nous tant de compagnons morts et d’espérances, nous n’avons plus jamais retrouvé les lumières splendides qui nous éveillaient jusqu’alors. Mais, errant sous un ciel morose, nous regrettions la ville si belle malgré toutes ses voluptés […]. ―Terrasses ! Miséricordieuses terrasses des Bactrianes aux soleils levants, jardins suspendus, jardins d’où l’on voit la mer ! » (p. 35)

 

fol. 68 : Voyage sur l’océan pathétique
Voyage sur l’océan pathétique : Captivité

fol. 69 : Captivité

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« Captivité délicieuse, plus perfide que les dures geôles ! ces femmes voulaient nos caresses, et nous gardaient pour leurs baisers. […] La reine devint amoureuse de nous ; elle nous fit baigner dans des piscines tièdes et nous parfuma de mirbane ; elle nous revêtit de manteaux splendides ; mais, nous dérobant aux caresses, nous ne songions qu’au départ. Elle pensa nous vaincre d’ennui, et les longues journées s’écoulèrent. Nous attendions ; mais sur l’Océan monotone ne se promenait aucun souffle ; l’air était bleu comme la mer ― et nous ne savions pas ce qu’était devenu le navire. » (p. 38)

fol. 69 : Captivité
Voyage sur l’océan pathétique : Captivité

fol. 68 : Voyage sur l’océan pathétique

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« Dans cette île où nous descendîmes pleins d’espoir et dont nous ne partîmes longtemps après que le cœur navré d’une horreur grandiose, pour beaucoup finit le voyage. Nous qui l’avons continué, laissant derrière nous tant de compagnons morts et d’espérances, nous n’avons plus jamais retrouvé les lumières splendides qui nous éveillaient jusqu’alors. Mais, errant sous un ciel morose, nous regrettions la ville si belle malgré toutes ses voluptés […]. ―Terrasses ! Miséricordieuses terrasses des Bactrianes aux soleils levants, jardins suspendus, jardins d’où l’on voit la mer ! » (p. 35)

 

fol. 68 : Voyage sur l’océan pathétique
Voyage sur l’océan pathétique : Captivité

fol. 69 : Captivité

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« Captivité délicieuse, plus perfide que les dures geôles ! ces femmes voulaient nos caresses, et nous gardaient pour leurs baisers. […] La reine devint amoureuse de nous ; elle nous fit baigner dans des piscines tièdes et nous parfuma de mirbane ; elle nous revêtit de manteaux splendides ; mais, nous dérobant aux caresses, nous ne songions qu’au départ. Elle pensa nous vaincre d’ennui, et les longues journées s’écoulèrent. Nous attendions ; mais sur l’Océan monotone ne se promenait aucun souffle ; l’air était bleu comme la mer ― et nous ne savions pas ce qu’était devenu le navire. » (p. 38)

fol. 69 : Captivité
Mer des Sargasses : Le Pot au Noir

fol. 88 : [Mer des Sargasses]

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« Mer de Sargasses ; aube en larmes, et clartés tristes sur l’eau grise. Certes, si j’avais pu choisir, je n’aurais pas ramé vers ces parages. L’ennui ! pourquoi le dire ? qui ne l’a pas connu ne le comprendra pas ; qui l’a connu demande à s’en distraire. L’ennui ! c’est donc vous, mornes études de notre âme, quand autour de nous les splendeurs, les rayons défendus se retirent. Les rayons sont partis, les tentations nous abandonnent ; rien ne nous occupe plus hors nous-mêmes, dans les aurores désenchantées. ― Sur les soleils décolorés tombent les cendres du crépuscule, et les petites pluies de l’ennui sur les grands souffles du désir. Psychologie ! psychologie ! science de toute sa vanité, que l’âme à jamais te repousse ! » (p. 55)

fol. 88 : [Mer des Sargasses]
Mer des Sargasses : Le Pot au Noir

fol. 89 : Pot au Noir

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« En relevant l’indication des latitudes, nous vîmes que nous étions arrivés à ce point de la mer, oléagineuse vraiment, que les marins appellent Pot au Noir, à cause de sa tranquillité.
La mer par places s’est prise de varechs, et bientôt nous avons navigué entre deux traînées de sargasses ; d’abord distantes et lâches, elles se sont coagulées ; elles se sont peu à peu resserrées, et, dans l’étroit chenal que l’eau libre faisait entre elles, peu à peu diminué, l’Orion devenait felouque. On ne distinguait plus bientôt les longues branches des fucacées, mais un fouillis touffu de feuilles molles, une gelée végétale, une matière encore mais à peine mobile et qui bientôt, comme gonflée, s’est soulevée un peu hors de l’eau moins profonde en basses berges vaseuses. » (p. 56)

fol. 89 : Pot au Noir
Mer des Sargasses : Le Pot au Noir

fol. 88 : [Mer des Sargasses]

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« Mer de Sargasses ; aube en larmes, et clartés tristes sur l’eau grise. Certes, si j’avais pu choisir, je n’aurais pas ramé vers ces parages. L’ennui ! pourquoi le dire ? qui ne l’a pas connu ne le comprendra pas ; qui l’a connu demande à s’en distraire. L’ennui ! c’est donc vous, mornes études de notre âme, quand autour de nous les splendeurs, les rayons défendus se retirent. Les rayons sont partis, les tentations nous abandonnent ; rien ne nous occupe plus hors nous-mêmes, dans les aurores désenchantées. ― Sur les soleils décolorés tombent les cendres du crépuscule, et les petites pluies de l’ennui sur les grands souffles du désir. Psychologie ! psychologie ! science de toute sa vanité, que l’âme à jamais te repousse ! » (p. 55)

fol. 88 : [Mer des Sargasses]
Mer des Sargasses : Le Pot au Noir

fol. 89 : Pot au Noir

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« En relevant l’indication des latitudes, nous vîmes que nous étions arrivés à ce point de la mer, oléagineuse vraiment, que les marins appellent Pot au Noir, à cause de sa tranquillité.
La mer par places s’est prise de varechs, et bientôt nous avons navigué entre deux traînées de sargasses ; d’abord distantes et lâches, elles se sont coagulées ; elles se sont peu à peu resserrées, et, dans l’étroit chenal que l’eau libre faisait entre elles, peu à peu diminué, l’Orion devenait felouque. On ne distinguait plus bientôt les longues branches des fucacées, mais un fouillis touffu de feuilles molles, une gelée végétale, une matière encore mais à peine mobile et qui bientôt, comme gonflée, s’est soulevée un peu hors de l’eau moins profonde en basses berges vaseuses. » (p. 56)

fol. 89 : Pot au Noir
[Mer des Sargasses] : Ellis

fol. 104 : [Mer des Sargasses]

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« Ellis n’est pas ce que je pense. Non ce n’est pas Ellis la blonde ; je me suis trompé tristement ; je me souviens maintenant que ses cheveux étaient noirs et que ses yeux brillaient aussi clairs que son âme. Son âme était vivace et violente, et sa voix très calme pourtant ; car elle était contemplative. ― Et c’est une frêle éplorée que j’ai recueillie sur la rive. Pourquoi ? ― Son ombrelle d’abord m’a déplu, puis son châle ; puis m’ont irrité tous ses livres. On ne voyage pourtant pas pour retrouver ses vieilles pensées ; […]. ― Dès que je l’ai vue sur la rive, j’ai senti qu’elle était déplacée. Mais que faire à présent ? car tout cela distrait du voyage ; et je n’aime pas, Morgain, les mélancolies sentimentales. » (p. 70)

fol. 104 : [Mer des Sargasses]
[Mer des Sargasses] : Ellis

fol. 105 : Ellis

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« Et, insensiblement aussi, languissante de maladie, Ellis chaque jour plus pâlie, plus blonde et comme évaporée, devenait toujours moins réelle et paraissait s’évanouir. ― Ellis, lui dis-je enfin, par manière qui la prépare : Vous êtes un obstacle à ma confusion avec Dieu, et je ne pourrai vous aimer que fondue vous aussi en Dieu même. ― Et lorsque la felouque aborda vers une terre boréale, où des cabanes d’Esquimaux faisaient de légères fumées, lorsque nous la laissâmes sur la plage pour voguer aussitôt vers le Pôle, elle n’avait déjà presque plus de réalité. » (p. 71-72)

fol. 105 : Ellis
[Mer des Sargasses] : Ellis

fol. 104 : [Mer des Sargasses]

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« Ellis n’est pas ce que je pense. Non ce n’est pas Ellis la blonde ; je me suis trompé tristement ; je me souviens maintenant que ses cheveux étaient noirs et que ses yeux brillaient aussi clairs que son âme. Son âme était vivace et violente, et sa voix très calme pourtant ; car elle était contemplative. ― Et c’est une frêle éplorée que j’ai recueillie sur la rive. Pourquoi ? ― Son ombrelle d’abord m’a déplu, puis son châle ; puis m’ont irrité tous ses livres. On ne voyage pourtant pas pour retrouver ses vieilles pensées ; […]. ― Dès que je l’ai vue sur la rive, j’ai senti qu’elle était déplacée. Mais que faire à présent ? car tout cela distrait du voyage ; et je n’aime pas, Morgain, les mélancolies sentimentales. » (p. 70)

fol. 104 : [Mer des Sargasses]
[Mer des Sargasses] : Ellis

fol. 105 : Ellis

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« Et, insensiblement aussi, languissante de maladie, Ellis chaque jour plus pâlie, plus blonde et comme évaporée, devenait toujours moins réelle et paraissait s’évanouir. ― Ellis, lui dis-je enfin, par manière qui la prépare : Vous êtes un obstacle à ma confusion avec Dieu, et je ne pourrai vous aimer que fondue vous aussi en Dieu même. ― Et lorsque la felouque aborda vers une terre boréale, où des cabanes d’Esquimaux faisaient de légères fumées, lorsque nous la laissâmes sur la plage pour voguer aussitôt vers le Pôle, elle n’avait déjà presque plus de réalité. » (p. 71-72)

fol. 105 : Ellis
Voyage vers une mer glaciale : Éric

fol. 112 : Voyage vers une mer glaciale 

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« ― Vers le matin, mais avant l’aube, à l’heure où la brise fraîchit, vint voguer près de nous un îlot de glace très pure ; au milieu, comme un fruit enchâssé, comme un œuf de merveilles luisait une immortelle pierrerie ; Étoile du matin sur la vague, nous ne pouvions nous lasser de la voir. Elle était pure comme un rayon de la Lyre ; à l’aurore elle vibra comme un chant ; mais sitôt que vint le soleil, la glace qui l’enveloppait fondue la laissa tomber dans la mer. ― Ce jour là nous avons pêché la baleine. Ici cessent les temps des souvenirs, commence mon journal sans date. » (p. 78-79)

fol. 112 : Voyage vers une mer glaciale 
Voyage vers une mer glaciale : Éric

fol. 113 : Éric

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« Dans l’abîme ébloui d’écume et de tempêtes, où nul homme jamais n’effaroucha les fêtes sauvages des albatros et des eiders, ― plongeur qu’un câble élastique balance, Éric est descendu brandissant au bout de son bras nu le large couteau tueur de cygnes. […] Éric capteur d’oiseaux pose la main sur la couvée ; les petits réveillés s’agitent, et pris de peur veulent fuir ; mais Éric plonge le couteau dans les plumes et rit de sentir sur ses mains le sang tiède de la couvée. Le sang ruisselle sur les plumes, et les ailes qui se débattent en éclaboussent le rocher ; le sang ruisselle sur la vague, et le duvet éparpillé s’envole tâché d’écarlate. » (p. 79-80)

fol. 113 : Éric
Voyage vers une mer glaciale : Éric

fol. 112 : Voyage vers une mer glaciale 

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« ― Vers le matin, mais avant l’aube, à l’heure où la brise fraîchit, vint voguer près de nous un îlot de glace très pure ; au milieu, comme un fruit enchâssé, comme un œuf de merveilles luisait une immortelle pierrerie ; Étoile du matin sur la vague, nous ne pouvions nous lasser de la voir. Elle était pure comme un rayon de la Lyre ; à l’aurore elle vibra comme un chant ; mais sitôt que vint le soleil, la glace qui l’enveloppait fondue la laissa tomber dans la mer. ― Ce jour là nous avons pêché la baleine. Ici cessent les temps des souvenirs, commence mon journal sans date. » (p. 78-79)

fol. 112 : Voyage vers une mer glaciale 
Voyage vers une mer glaciale : Éric

fol. 113 : Éric

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« Dans l’abîme ébloui d’écume et de tempêtes, où nul homme jamais n’effaroucha les fêtes sauvages des albatros et des eiders, ― plongeur qu’un câble élastique balance, Éric est descendu brandissant au bout de son bras nu le large couteau tueur de cygnes. […] Éric capteur d’oiseaux pose la main sur la couvée ; les petits réveillés s’agitent, et pris de peur veulent fuir ; mais Éric plonge le couteau dans les plumes et rit de sentir sur ses mains le sang tiède de la couvée. Le sang ruisselle sur les plumes, et les ailes qui se débattent en éclaboussent le rocher ; le sang ruisselle sur la vague, et le duvet éparpillé s’envole tâché d’écarlate. » (p. 79-80)

fol. 113 : Éric
Voyage vers une mer glaciale : La neige

fol. 122 : Voyage vers une mer glaciale 

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« Les glaces d’heure en heure plus serrées, menaçaient incessamment de le briser ; ce n’était pour nous que le plus tremblant des asiles ; nous résolûmes de le quitter. Mais je veux surtout que l’on sache que ce ne fut ni par désespoir, ni par prudence timorée, mais bien par une volonté de folie, car nous pouvions encore, rompant les glaces, fuir l’hiver et partir vers où le soleil avait fui ; mais c’eût été vers le passé. Donc préférant les rives les plus dures, pourvu qu’elles fussent futures, c’est vers la nuit que nous marchâmes, notre jour étant accompli. Nous savions que le bonheur n’est pas fait de l’abandon de la tristesse, nous allions, fiers et forts, au-delà des pires détresses, où trouver la plus pure joie. » (p. 87)

fol. 122 : Voyage vers une mer glaciale 
Voyage vers une mer glaciale : La neige

fol. 123 : La neige

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« Toutes formes se sont gelées, c’est le froid sur la calme plaine, et l’immobilité ― et l’immobilité. Et la sérénité. O pur ravissement de notre âme ! rien ne s’émeut dans l’air, mais, tant les banquises sont vives, plane un rayonnement figé. Tout est du bleu pâle nocturne ― dirai-je, la lune ? ― La Lune. ― J’ai cherché loin de tout la prière ; et c’est le paysage extasié. Ellis ! toi qui n’es pas celle que j’ai trouvée ; fraîche Ellis, est-ce ici que tu m’as attendu ? » (p. 90)

fol. 123 : La neige
Voyage vers une mer glaciale : La neige

fol. 122 : Voyage vers une mer glaciale 

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« Les glaces d’heure en heure plus serrées, menaçaient incessamment de le briser ; ce n’était pour nous que le plus tremblant des asiles ; nous résolûmes de le quitter. Mais je veux surtout que l’on sache que ce ne fut ni par désespoir, ni par prudence timorée, mais bien par une volonté de folie, car nous pouvions encore, rompant les glaces, fuir l’hiver et partir vers où le soleil avait fui ; mais c’eût été vers le passé. Donc préférant les rives les plus dures, pourvu qu’elles fussent futures, c’est vers la nuit que nous marchâmes, notre jour étant accompli. Nous savions que le bonheur n’est pas fait de l’abandon de la tristesse, nous allions, fiers et forts, au-delà des pires détresses, où trouver la plus pure joie. » (p. 87)

fol. 122 : Voyage vers une mer glaciale 
Voyage vers une mer glaciale : La neige

fol. 123 : La neige

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« Toutes formes se sont gelées, c’est le froid sur la calme plaine, et l’immobilité ― et l’immobilité. Et la sérénité. O pur ravissement de notre âme ! rien ne s’émeut dans l’air, mais, tant les banquises sont vives, plane un rayonnement figé. Tout est du bleu pâle nocturne ― dirai-je, la lune ? ― La Lune. ― J’ai cherché loin de tout la prière ; et c’est le paysage extasié. Ellis ! toi qui n’es pas celle que j’ai trouvée ; fraîche Ellis, est-ce ici que tu m’as attendu ? » (p. 90)

fol. 123 : La neige
Voyage vers une mer glaciale : Accomplissement des destinées

fol. 132 : Voyage vers une mer glaciale 

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« Pourtant nous nous sentions encore assez de forces pour gravir la muraille gelée, nous doutant bien que le but était derrière, mais ne sachant pas ce qu’il était. Et maintenant que nous avions tout fait pour l’atteindre, cela nous devenait presque inutile de le savoir. ― Nous restions encore à genoux devant cette tombe inconnue ; sans émotion, sans pensée, ― car nous en étions à ce point où l’on ne peut plus compatir sans pleurer aussi sur soi-même, où l’on détourne les yeux des tristesses parce qu’on a besoin de sa force. Le cœur n’arrive à sa vaillance que par un endurcissement. » (p. 99)

fol. 132 : Voyage vers une mer glaciale 
Voyage vers une mer glaciale : Accomplissement des destinées

fol. 133 : Accomplissement des destinées

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« Nous ne sentions plus de désirs de revenir revoir des contrées plus fleuries ; c’eût été le passé sans surprises ; on ne redescend pas vers la vie. Si nous avions su d’abord que c’était cela que nous étions venus voir, peut-être ne nous serions-nous pas mis en route ; aussi nous avons remercié Dieu de nous avoir caché le but, et de l’avoir à ce point reculé que les efforts faits pour l’atteindre nous donnassent déjà quelque joie, seule sûre ; et nous avons remercié Dieu de ce que les souffrances si grandes nous faisaient croire à la fin plus splendide. » (p. 100)

fol. 133 : Accomplissement des destinées
Voyage vers une mer glaciale : Accomplissement des destinées

fol. 132 : Voyage vers une mer glaciale 

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« Pourtant nous nous sentions encore assez de forces pour gravir la muraille gelée, nous doutant bien que le but était derrière, mais ne sachant pas ce qu’il était. Et maintenant que nous avions tout fait pour l’atteindre, cela nous devenait presque inutile de le savoir. ― Nous restions encore à genoux devant cette tombe inconnue ; sans émotion, sans pensée, ― car nous en étions à ce point où l’on ne peut plus compatir sans pleurer aussi sur soi-même, où l’on détourne les yeux des tristesses parce qu’on a besoin de sa force. Le cœur n’arrive à sa vaillance que par un endurcissement. » (p. 99)

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« Nous ne sentions plus de désirs de revenir revoir des contrées plus fleuries ; c’eût été le passé sans surprises ; on ne redescend pas vers la vie. Si nous avions su d’abord que c’était cela que nous étions venus voir, peut-être ne nous serions-nous pas mis en route ; aussi nous avons remercié Dieu de nous avoir caché le but, et de l’avoir à ce point reculé que les efforts faits pour l’atteindre nous donnassent déjà quelque joie, seule sûre ; et nous avons remercié Dieu de ce que les souffrances si grandes nous faisaient croire à la fin plus splendide. » (p. 100)

fol. 133 : Accomplissement des destinées
Le voyage d'Urien
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Publié en 1893, Le Voyage d’Urien emprunte la forme d’un récit d’aventures, mais n’a rien de réaliste : la navigation qu’entreprennent ses protagonistes est avant tout allégorique. L’objectif de ce « voyage du Rien » dans le « val étroit des métempsychoses » est tout intérieur. Après avoir résisté à toutes les douceurs, dépassé l’engourdissement de l’ennui et bravé « du froid la morsure enragée », la seule « sûre joie » atteinte à la fin du voyage se révèle être celle des « efforts faits pour l’atteindre ».
Le texte poétique de Gide se déroule autour de trente délicates lithographies de Maurice Denis et, sur la couverture de l’édition originale, les noms des deux auteurs figurent pour la première fois sur une même ligne : « Ce livre est la trace la plus accentuée du symbolisme, la ratification par les Nabis du principe du livre de dialogue » dira Yves Peyré.