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Germinal

Germinal par Émile Zola dans Gil Blas
Germinal par Émile Zola dans Gil Blas

Bibliothèque nationale de France

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Treizième volume de la série des Rougon-Macquart, le roman de Zola publié en 1885 est un véritable roman social et engagé en faveur des exploités, dans la lignée des Misérables de Victor Hugo. Il évoque la grève des mineurs à Montsou, dans le nord de la France, menée par Étienne Lantier, révolté par les conditions de travail effroyable dans le puits du Voreux et par la baisse de salaire.

Un plaidoyer en faveur des exploités

Treizième volume de la série des Rougon-Macquart, le roman est publié en librairie chez Charpentier, le 2 mars 1885, après avoir été donné en feuilleton dans le Gil Blas, du 26 novembre 1884 au 25 février 1885.

Germinal, Romanzo Sociale di E. Zola
Germinal, Romanzo Sociale di E. Zola |

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Fiche d’Étienne.
Fiche d’Étienne. |

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Le récit (divisé en sept parties et quarante chapitres) se déroule dans le nord de la France. Il a pour cadre la petite ville de Montsou, qui abrite la fosse du Voreux. Il raconte la naissance d'une grève et sa répression sanglante, suivie par une inondation qui ravage la mine. Les événements occupent une année entière, de mars 1866 à avril 1867. L'intrigue est construite autour d'une famille de mineurs, les Maheu, et du personnage d'Étienne Lantier, nouveau venu dans la région, qui est conduit à prendre la direction de la grève. Le roman tire sa puissance de nombreuses scènes collectives qui montrent le travail des mineurs, les fêtes qui les réunissent ou la foule des grévistes révoltés. Il accorde une position centrale au personnage d’Étienne dont les amours avec Catherine Maheu se heurtent à la présence hostile d’un rival, le redoutable Chaval. Porté par une grande force narrative, le drame va crescendo, jusqu'à un double dénouement : l'échec de la grève, et l'effondrement de la mine, qui provoque la destruction du puits du Voreux.

Explosion de grisou dans une mine de houille
Explosion de grisou dans une mine de houille |

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Les mineurs
Les mineurs |

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Comme l’écrit Zola au début de son dossier préparatoire, le roman montre « le soulèvement des salariés, le coup d'épaule donné à la société, qui craque un instant : en un mot la lutte du capital et du travail. » Témoignage social, c'est un plaidoyer en faveur des exploités, dans la tradition des Misérables de Hugo. Étrange coïncidence de l’Histoire : il paraît en librairie quelques semaines avant que Victor Hugo ne soit emporté par la mort – comme si le destin avait voulu signifier que le vieux poète romantique avait le droit de s'en aller, puisque sa succession, désormais, se trouvait assurée... Dans une interview donnée au quotidien Le Matin, en mars 1885, Zola déclarait : « Quand j'ai étudié la misère des travailleurs des mines, j'ai été pris d'une immense pitié. Mon livre, c'est une œuvre de pitié, pas autre chose, et si quiconque en le lisant éprouve cette sensation, je serai heureux, j'aurai atteint le but que je m'étais proposé. […] Aurai-je réussi à faire comprendre, dans mon roman, les aspirations des misérables vers la justice ? Je ne sais. Mais j'ai voulu aussi bien établir que le bourgeois lui-même n'est pas coupable, individuellement. C'est la collectivité qui a toute la responsabilité. »

Émile Zola, Germinal, notes sur les corons
Émile Zola, Germinal, notes sur les corons |

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Émile Zola, Germinal, coupe de puits de mine.
Émile Zola, Germinal, coupe de puits de mine. |

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Le message est différent de celui que proposait L’Assommoir. En insistant sur les ravages de l’alcoolisme, L'Assommoir semblait donner raison à ceux qui faisaient des misérables des individus responsables de leur propre déchéance. Cette fois-ci, Zola prend nettement le parti des exploités. Un exemple montre la différence de vision entre les deux romans : la place que tient le cabaret. Dans Germinal elle est exactement l’inverse de celle qu'elle tient dans L'Assommoir : dans un cas, un lieu de déchéance, occupé par la présence terrifiante de l'alambic ; dans l'autre cas, un endroit de rencontres et de discussions, où se forgera, dans l'estaminet du coron, la parole libératrice de la révolte.

La force poétique du récit

Le titre (qui fait référence à l’un des mois du calendrier révolutionnaire) condense la signification de l’œuvre. Le 6 octobre 1889, dans une lettre à l'un de ses amis, le critique hollandais Van Santen Kolff, Zola en donna l’explication suivante : « C'est un jour, par hasard, que le mot Germinal m'est venu aux lèvres. Je n'en voulais pas d'abord, le trouvant trop mystique, trop symbolique ; mais il représentait ce que je cherchais, un avril révolutionnaire, une envolée de la société caduque dans le printemps. Et, peu à peu, je m'y suis habitué, si bien que je n'ai jamais pu en trouver un autre. S'il reste obscur pour certains lecteurs, il est devenu pour moi comme un coup de soleil qui éclaire toute l'œuvre. »

Affiche de Germinal au théâtre du Châtelet
Affiche de Germinal au théâtre du Châtelet |

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Lettre de Hysmans à Émile Zola
Lettre de Hysmans à Émile Zola |

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Consciente de la gravité du sujet traité, la critique contemporaine fut surprise par la représentation qui est donnée du monde de la mine, mais elle hésita à affronter Zola sur le terrain de l'exactitude du réalisme social, comme elle l’avait fait pour certains des romans précédents. L'admiration pour la force poétique du récit finit par l'emporter. Gustave Geffroy, par exemple, vit en Zola un « poète qui sait superbement augmenter et idéaliser les choses » (La Justice, 14 juillet 1885).

Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre.

Émile Zola, Germinal , 1885, partie VII, chapitre 6.

Peu après la parution du roman en librairie, Jules Lemaitre célébra la grandeur épique de l’œuvre, avec des formules qui marqueront les esprits et seront fréquemment reprises par la suite : « L'allure des romans de M. Zola est, je ne sais comment, celle des antiques épopées, par la lenteur puissante, le large courant, l'accumulation tranquille des détails, la belle franchise des procédés du conteur. Il ne se presse pas plus qu'Homère. Il s'intéresse autant (dans un autre esprit) à la cuisine de Gervaise que le vieil aède à celle d'Achille. Il ne craint point les répétitions ; les mêmes phrases reviennent avec les mêmes mots, et d'intervalle en intervalle on entend dans le Bonheur des dames le " ronflement " du magasin, dans Germinal la " respiration grosse et longue " de la machine, comme dans l'Iliade le grondement de la mer […]. Si donc on ramasse maintenant tout ce que nous avons dit, il ne paraîtra pas trop absurde de définir les Rougon-Macquart : une épopée pessimiste de l'animalité humaine » (Revue politique et littéraire, 14 mars 1885).

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