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Nana

Nana au miroir
Nana au miroir

Bibliothèque nationale de France

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Publié en 1880, Nana fait suite à L’Assommoir puisque Anna, surnommée « Nana », est la fille de Gervaise et Coupeau. Nana est une « cocotte », une prostituée de luxe dont le public parisien applaudit les débuts comme actrice, sur la scène du théâtre des Variétés. Créature faite pour le plaisir, Nana envoûte tous les hommes et les mène à leur perte.
 

Le roman de la prostitution

Neuvième volume de la série des Rougon-Macquart, le roman a été publié en librairie chez Charpentier, le 14 février 1880. Il a d’abord paru en feuilleton dans Le Voltaire du 16 octobre 1879 au 5 février 1880. Les débuts de Nana dans le monde de la prostitution ont été décrits dans le chapitre XI de L’Assommoir. Le récit qu’offre Nana propose donc une suite selon un effet d’enchaînement propre à la logique du roman-feuilleton qui constitue un cas particulier dans la série des Rougon-Macquart dont les épisodes sont, en principe, autonomes. Dans sa progression il insiste sur la rapidité de l’ascension que connaît le personnage éponyme : tout se déroule sur trois années, de 1867 à la chute de l'Empire, en 1870. Mais il marque aussi – par les allers et retours d'une héroïne qui bascule du luxe à la misère et ne « plonge » que pour mieux renaître – l'incertitude d'une destinée qui n’obéit à aucune logique précise. La gloire de Nana brille sans profit. Elle symbolise la déchéance d'une société à bout de souffle, dont elle prédit l'effondrement imminent.

Notes sur Nana et sa rivale
Notes sur Nana et sa rivale |

Bibliothèque nationale de France

Lire dans Le Voltaire, Nana, suite de l'Assommoir par Emile Zola
Lire dans Le Voltaire, Nana, suite de l'Assommoir par Emile Zola |

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Réfléchissant au sujet de son roman, dans son dossier préparatoire, Zola voit dans l’expression du désir masculin le ressort principal de l’intrigue. Il écrit, en usant de formules directes : « Le sujet philosophique est celui-ci : Toute une société se ruant sur le cul. Une meute derrière une chienne, qui n'est pas en chaleur et qui se moque des chiens qui la suivent. Le poème des désirs du mâle, le grand levier qui remue le monde. Il n'y a que le cul et la religion. Il me faut donc montrer Nana, centrale, comme l'idole aux pieds de laquelle se vautrent tous les hommes, pour des motifs et avec des tempéraments différents. »

Dossier préparatoire de Nana, fiche de Nana
Dossier préparatoire de Nana, fiche de Nana |

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Nana, en Vénus, chantant
Nana, en Vénus, chantant |

Bibliothèque nationale de France

Le roman est fondé sur un schéma dramatique qui rappelle celui de La Cousine Bette de Balzac : la figure du baron Hulot sert de modèle au personnage du comte Muffat, entraîné dans la déchéance à cause de la passion qu’il éprouve pour Nana. L’œuvre de Zola s’inscrit dans la longue série des romans de la prostitution que la littérature naturaliste a produite. Elle succède à Marthe. Histoire d’une fille de Huysmans (1876) ou à La Fille Élisa d’Edmond de Goncourt (1877), l’année même où Maupassant publie « Boule de suif » dans le recueil des Soirées de Médan. Son originalité réside dans l’élargissement qui est apporté au sujet traité. Une dimension mythique est conférée au personnage de Nana, comme l’a bien noté Flaubert qui écrivit à Zola, le 15 février 1880 : « Nana tourne au mythe, sans cesser d'être réelle. Cette création est babylonienne ». Et l’on sort de l’univers des « filles » pour se retrouver, comme chez Balzac, dans celui des « courtisanes ». L’intrigue se déroule au croisement de plusieurs mondes dont elle souligne les interférences : la haute société impériale, le milieu des théâtres et celui de la galanterie mondaine.

Le Bal Mabille
Le Bal Mabille |

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Nana et ses amies
Nana et ses amies |

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Nana est entourée d'une série de « filles » qui la redoublent en présentant toute la variété des vices. La plupart ont été créées à partir de figures plus ou moins célèbres, empruntées à la réalité du théâtre de boulevard ou du demi-monde : Hortense Schneider (célèbre interprète d'Offenbach sous le Second Empire, modèle de la « blonde Vénus » du premier chapitre), Valtesse de la Bigne (dite l’« Union des Artistes », et dont Zola a visité les appartements en préparant son roman), Blanche d'Antigny (dont le destin et la mort ont fourni la matière du dernier chapitre qui met en scène la mort de Nana), Anna Judic (qui a donné certains de ses traits à Rose Mignon), Caroline Letessier, Esther Guimond, Cora Pearl et bien d'autres.

Succès public et adaptations

La critique contemporaine se déchaîna contre Zola, l'accusant d'avoir méconnu un milieu auquel il était étranger, et clamant son indignation devant le caractère immoral des scènes qui étaient présentées au lecteur. Le roman, dont le feuilleton fut lancé à grand renfort de publicité par la direction du Voltaire, connut un immense succès, atteignant plus de quatre-vingts mille exemplaires en 1880, l’année de sa parution en librairie ; sur l'ensemble des tirages atteints par Les Rougon-Macquart au 19e siècle, il occupe la deuxième position, derrière La Débâcle ; à la mort de Zola, en 1902, près de deux cent mille exemplaires avaient été vendus.

Nana-revue
Nana-revue |

Bibliothèque nationale de France

La Naissance de Nana-Vénus
La Naissance de Nana-Vénus |

© Association du Musée Émile Zola, cliché Michel Urtado

Adapté au théâtre en 1881 par William Busnach, il fut, au 20e siècle, porté de nombreuses fois à l'écran : notamment en 1926, par Jean Renoir (avec Catherine Hessling dans le rôle de Nana), en 1955, par Christian Jaque (avec Martine Carol dans le rôle de Nana), et, en 2001, par Édouard Molinaro qui proposa une adaptation pour la télévision transposant l’intrigue à l’époque moderne (Nana y est incarnée par Lou Doillon).

Nana, confusément, était le diable, avec ses rires, avec sa gorge et sa croupe, gonflées de vice.

Émile Zola, Nana , chapitre V, 1880.

Dans le langage d’aujourd’hui, une « nana » est, dans une acception familière, une jeune femme ou une jeune fille. Le terme ne date pas du 19e siècle : il n’a surgi dans la langue française qu’en 1952. Trouve-t-il son origine dans le nom porté par l'héroïne de Zola (diminutif du prénom « Anna ») ? C'est l'hypothèse que suggèrent le Trésor de la langue française et le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey. Mais ces dictionnaires indiquent que la formation du mot a pu s'appuyer également sur le radical onomatopéique nann- qui signifie « nourriture » et d'où sont issus, par exemple, néné ou nénette.

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