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Anthologie

L'Histoire naturelle de Buffon dans le texte

De la manière d'étudier et de traiter l'Histoire Naturelle

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789

L’Histoire Naturelle prise dans toute son étendue, est une Histoire immense, elle embrasse tous les objets que nous présente l’Univers. Cette multitude prodigieuse de Quadrupèdes, d’Oiseaux, de Poissons, d’Insectes, de Plantes, de Minéraux, &c. offre à la curiosité de l’esprit humain un vaste spectacle, dont l’ensemble est si grand, qu’il paraît et qu’il est en effet inépuisable dans les détails. Une seule partie de l’Histoire Naturelle, comme l’Histoire des Insectes, ou l’Histoire des Plantes, suffit pour occuper plusieurs hommes ; et les plus habiles Observateurs n’ont donné après un travail de plusieurs années, que des ébauches assez imparfaites des objets trop multipliez que présentent ces branches particulières de l’Histoire Naturelle, auxquelles ils s’étaient uniquement attachés : cependant ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient faire, et bien loin de s’en prendre aux Observateurs, du peu d’avancement de la Science, on ne saurait trop louer leur assiduité au travail et leur patience, on ne peut même leur refuser des qualités plus élevées ; car il y a une espèce de force de génie et de courage d’esprit à pouvoir envisager, sans s’étonner, la Nature dans la multitude innombrable de ses productions, et à se croire capable de les comprendre et de les comparer ; il y a une espèce de goût à les aimer, plus grand que le goût qui n’a pour but que des objets particuliers ; et l’on peut dire que l’amour de l’étude de la Nature suppose dans l’esprit deux qualités qui paraissent opposées, les grandes vues d’un génie ardent qui embrasse tout d’un coup d’œil, et les petites attentions d’un instinct laborieux qui ne s’attache qu’à un seul point.

Le premier obstacle qui se présente dans l’étude de l’Histoire Naturelle, vient de cette grande multitude d’objets ; mais la variété de ces mêmes objets, et la difficulté de rassembler les productions des différents climats, forment un autre obstacle à l’avancement de nos connaissances, qui parait invincible, et qu’en effet le travail seul ne peut surmonter ; ce n’est qu’à force de temps, de soins, de dépenses, et souvent par des hasards heureux, qu’on peut se procurer des individus bien conservés de chaque espèce d’animaux, de plantes ou de minéraux, et former une collection bien rangée de tous les ouvrages de la Nature. Mais lorsqu’on est parvenu à rassembler des échantillons de tout ce qui peuple l’Univers, lorsqu’après bien des peines on a mis dans un même lieu des modèles de tout ce qui se trouve répandu avec profusion sur la terre, et qu’on jette pour la première fois les yeux sur ce magasin rempli de choses diverses, nouvelles et étrangères, la première sensation qui en résulte, est un étonnement mêlé d’admiration, et la première réflexion qui suit, est un retour humiliant sur nous-mêmes. On ne s’imagine pas qu’on puisse avec le temps parvenir au point de reconnaître tous ces différents objets, qu’on puisse parvenir non seulement à les reconnaître par la forme, mais encore à savoir tout ce qui a rapport à la naissance, la production, l’organisation, les usages, en un mot à l’histoire de chaque chose en particulier : cependant, en se familiarisant avec ces mêmes objets, en les voyant souvent, et, pour ainsi dire, sans dessein, ils forment peu à peu des impressions durables, qui bientôt se lient dans notre esprit par des rapports fixes et invariables ; et de là nous nous élevons à des vues plus générales, par lesquelles nous pouvons embrasser à la fois plusieurs objets différents ; et c’est alors qu’on est en état d’étudier avec ordre, de réfléchir avec fruit, et de se frayer des routes pour arriver à des découvertes utiles.

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789
 Paris, Impr. royale, 1749-1789
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Preuves de la théorie de la Terre

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789

Les planètes principales sont attirées par le Soleil, le Soleil est attiré par les planètes, les satellites sont aussi attirés par leurs planètes principales, chaque planète est attirée par toutes les autres, et elle les attire aussi ; toutes ces actions et réactions varient suivant les masses et les distances, elles produisent des inégalités, des irrégularités ; comment combiner et évaluer une si grande quantité de rapports ? Paraît-il possible au milieu de tant d'objets, de suivre un objet particulier ? Cependant on a surmonté ces difficultés, le calcul a confirmé ce que la raison avait soupçonné ; chaque observation est devenue une nouvelle démonstration, et l'ordre systématique de l'Univers est à découvert aux yeux de tous ceux qui savent reconnaître la vérité.

Une seule chose arrête, et est en effet indépendante de cette théorie, c'est la force d'impulsion ; l'on voit évidemment que celle d'attraction tirant toujours les planètes vers le Soleil, elles tomberaient en ligne perpendiculaire sur cet astre, si elles n'en étaient éloignées par une autre force, qui ne peut être qu'une impulsion en ligne droite, dont l'effet s'exercerait dans la tangente de l'orbite, si la force d'attraction cessait un instant. Cette force d'impulsion a certainement été communiquée aux astres en général par la main de Dieu, lorsqu'elle donna le branle à l'Univers ; mais comme on doit, autant qu'on peut en physique s'abstenir d'avoir recours aux causes qui sont hors de la nature, il me paraît que dans le Système solaire on peut rendre raison de cette force d'impulsion d'une manière assez vraisemblable, et qu'on peut en trouver une cause dont l'effet s'accorde avec les règles de la mécanique, et qui d'ailleurs ne s'éloigne pas des idées qu'on doit avoir au sujet des changements et des révolutions qui peuvent et doivent arriver dans l'Univers.

La vaste étendue du Système solaire, ou, ce qui revient au même, la sphère de l'attraction du Soleil ne se borne pas à l'orbe des planètes, même les plus éloignées, mais elle s'étend à une distance indéfinie, toujours en décroissant, dans la même raison que le carré de la distance augmente ; il est démontré que les comètes qui se perdent à nos yeux dans la profondeur du ciel, obéissent à cette force, et que leur mouvement, comme celui des planètes, dépend de l'attraction du Soleil. Tous ces astres dont les routes sont si différentes, décrivent autour du Soleil, des aires proportionnelles aux temps, les planètes dans des ellipses plus ou moins approchantes d'un cercle, et les comètes dans des ellipses fort allongées.

Les comètes et les planètes se meuvent donc en vertu de deux forces, l'une d'attraction et l'autre d'impulsion, qui agissant à la fois et à tout instant, les obligent à décrire ces courbes ; mais il faut remarquer que les comètes parcourent le Système solaire dans toute sorte de directions, et que les inclinaisons des plans de leurs orbites sont fort différentes entre elles, en sorte que quoique sujettes, comme les planètes, à la même force d'attraction, les comètes n'ont rien de commun dans leur mouvement d'impulsion, elles paraissent à cet égard absolument indépendantes les unes des autres. Les planètes, au contraire, tournent toutes dans le même sens autour du Soleil, et presque dans le même plan, n'y ayant que sept degrés et demi d'inclinaison entre les plans les plus éloignés de leurs orbites : cette conformité de position et de direction dans le mouvement des planètes, suppose nécessairement quelque chose de commun dans leur mouvement d'impulsion, et doit faire soupçonner qu'il leur a été communiqué par une seule et même cause.

Ne peut-on pas imaginer avec quelque sorte de vraisemblance, qu'une comète tombant sur la surface du Soleil, aura déplacé cet astre, et qu'elle en aura séparé quelques petites parties auxquelles elle aura communiqué un mouvement d'impulsion dans le même sens et par un même choc, en sorte que les planètes auraient autrefois appartenu au corps du Soleil, et qu'elles en auraient été détachées par une force impulsive commune à toutes, qu'elles conservent encore aujourd'hui ?

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789
Paris, Impr. royale, 1749-1789
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De la description des animaux

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789

La description est une des principales parties de l’Histoire Naturelle des Animaux, puisque les autres en dépendent pour la certitude et pour l’intelligence des faits ; car ce n’est qu’après avoir bien observé chaque animal, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, que l’on peut découvrir la mécanique de ses organes, et comprendre ses différentes opérations. Nous sommes sujets à tomber dans l’erreur, dès que nous nous livrons à nos conjectures : les ouvrages du Créateur sont si merveilleux et nos lumières si faibles, que nous ne pouvons connaître dans les productions de la Nature, que ce que nous avons vu, et nous ne pouvons les juger qu’autant que nous les avons observées. L’observation et la description sont donc les meilleurs moyens que nous ayons pour acquérir des connaissances en Histoire Naturelle, et pour les transmettre aux autres : mais chacun a une façon d’observer proportionnée à l’étendue de son savoir et de son esprit ; plus on sait, plus on découvre en observant, et on fait valoir ses découvertes selon la force de génie dont on est doué : il n’y a par conséquent ni principes ni règles à établir pour guider l’observateur, les routes que l’on pourrait lui ouvrir ne seraient pas convenables à sa marche, il est obligé de rester d’abord dans celles où il se trouve placé, et il ne peut s’en frayer de nouvelles qu’à mesure qu’il fait des progrès.

Celui qui décrit doit au contraire rendre compte au public de la méthode qu’il suit en faisant ses descriptions : le choix de cette méthode est très important, puisque non seulement la clarté de la description en dépend, mais encore les conséquences que l’on en peut tirer. Il est donc absolument nécessaire de convenir de principes et de règles qui soient exactement suivis dans toutes les descriptions, et de se proposer une méthode de description au lieu des méthodes de nomenclature, qui ont occupé jusqu’ici la plupart des Naturalistes.

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789
Paris, Impr. royale, 1749-1789
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Le lion

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789
 

Dans l’espèce humaine l’influence du climat ne se marque que par des variétés assez légères, parce que cette espèce est une, et qu’elle est très distinctement séparée de toutes les autres espèces ; l’homme, blanc en Europe, noir en Afrique, jaune en Asie, et rouge en Amérique, n’est que le même homme teint de la couleur du climat : comme il est fait pour régner sur la terre, que le globe entier est son domaine, il semble que sa nature se soit prêtée à toutes les situations ; sous les feux du midi, dans les glaces du nord il vit, il multiplie, il se trouve partout si anciennement répandu, qu’il ne paraît affecter aucun climat particulier. Dans les animaux au contraire, l’influence du climat est plus forte et se marque par des caractères plus sensibles, parce que les espèces sont diverses et que leur nature est infiniment moins perfectionnée, moins étendue que celle de l’homme. Non seulement les variétés dans chaque espèce sont plus nombreuses et plus marquées que dans l’espèce humaine, mais les différences mêmes des espèces semblent dépendre des différents climats ; les unes ne peuvent se propager que dans les pays chauds, les autres ne peuvent subsister que dans des climats froids ; le lion n’a jamais habité les régions du nord, le renne ne s’est jamais trouvé dans les contrées du midi, et il n’y a peut-être aucun animal dont l’espèce soit comme celle de l’homme généralement répandue sur toute la surface de la terre ; chacun à son pays, sa patrie naturelle dans laquelle chacun est retenu par nécessité physique, chacun est fils de la terre qu’il habite, et c’est dans ce sens qu’on doit dire que tel ou tel animal est originaire de tel ou tel climat.

Dans les pays chauds les animaux terrestres sont plus grands et plus forts que dans les pays froids ou tempérés, ils sont aussi plus hardis, plus féroces ; toutes leurs qualités naturelles semblent tenir de l’ardeur du climat. Le lion, né sous le soleil brûlant de l’Afrique ou des Indes, est le plus fort, le plus fier, le plus terrible de tous : nos loups, nos autres animaux carnassiers, loin d’être ses rivaux, seraient à peine dignes d’être ses pourvoyeurs.

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789
Paris, Impr. royale, 1749-1789
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Le zèbre


Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789

Le zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu : il a la figure et les grâces du Cheval, la légèreté du Cerf, et la robe rayée de rubans noirs et blancs, disposés alternativement avec tant de régularité et de symétrie, qu’il semble que la Nature ait employé la règle et le compas pour la peindre : ces bandes alternatives de noir et de blanc sont d’autant plus singulières qu’elles sont étroites, parallèles et très-exactement séparées, comme dans une étoffe rayée ; que d’ailleurs elles s’étendent non-seulement sur le corps, mais sur la tête, sur les cuisses et les jambes, et jusque sur les oreilles et la queue ; en sorte que de loin cet animal parait comme s’il était environné partout de bandelettes qu’on aurait pris plaisir et employé beaucoup d’art à disposer régulièrement sur toutes les parties de son corps ; elles en suivent les contours et en marquent si avantageusement la forme, qu’elles en dessinent les muscles en s’élargissant plus ou moins sur les parties plus ou moins charnues et plus ou moins arrondies.

Dans la femelle, ces bandes sont alternativement noires et blanches ; dans le mâle, elles sont noires et jaunes : mais toujours d’une nuance vive et brillante sur un poil court, fin et fourni, dont le lustre augmente encore la beauté des couleurs. Le zèbre est en général plus petit que le cheval et plus grand que l’âne ; et quoiqu’on l’ait souvent comparé à ces deux animaux, qu’on l’ait même appelé cheval sauvage et âne rayé, il n’est la copie ni de l’un ni de l’autre, et serait plutôt leur modèle, si dans la Nature tout n’était pas également original, et si chaque espèce n’avait pas un droit égal à la création. Le zèbre n’est donc ni un cheval ni un âne, il est de son espèce ; car nous n’avons pas appris qu’il se mêle et produise avec l’un ou l’autre, quoique l’on ait souvent essayé de les approcher.

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789
Paris, Impr. royale, 1749-1789
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Le cheval

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789

La plus noble conquête que l’homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal qui partage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats ; aussi intrépide que son maître, le cheval voit le péril et l’affronte, il se fait au bruit des armes, il l’aime, il le cherche et s’anime de la même ardeur ; il partage aussi ses plaisirs, à la chasse, aux tournois, à la course, il brille, il étincelle ; mais docile autant que courageux, il ne se laisse point emporter à son feu, il sait réprimer ses mouvements, non seulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs, et obéissant toujours aux impressions qu’il en reçoit, il se précipite, se modère ou s’arrête, et n’agit que pour y satisfaire ; c’est une créature qui renonce à son être pour n’exister que par la volonté d’un autre, qui sait même la prévenir, qui par la promptitude et la précision de ses mouvements l’exprime et l’exécute, qui sent autant qu’on le désire, et ne rend qu’autant qu’on veut, qui se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s’excède et même meurt pour mieux obéir.

Voilà le cheval dont les talents sont développés, dont l’art a perfectionné les qualités naturelles, qui dès le premier âge a été soigné et ensuite exercé, dressé au service de l’homme ; c’est par la perte de sa liberté que commence son éducation, et c’est par la contrainte qu’elle s’achève : l’esclavage ou la domesticité de ces animaux est même si universelle, si ancienne, que nous ne les voyons que rarement dans leur état naturel, ils sont toujours couverts de harnois dans leurs travaux, on ne les délivre jamais de tous leurs liens, même dans les temps du repos, et si on les laisse quelquefois errer en liberté dans les pâturages, ils y portent toujours les marques de la servitude, et souvent les empreintes cruelles du travail et de la douleur ; la bouche est déformée par les plis que le mors a produits, les flancs sont entamés par des plaies, ou sillonnés de cicatrices faites par l’éperon ; la corne des pieds est traversée par des clous, l’attitude du corps est encore gênée par l’impression subsistante des entraves habituelles, on les en délivrerait en vain, ils n’en seraient pas plus libres ; ceux même dont l’esclavage est le plus doux, qu’on ne nourrit, qu’on n’entretient que pour le luxe et la magnificence, et dont les chaînes dorées servent moins à leur parure qu’à la vanité de leur maître, sont encore plus déshonorés par l’élégance de leur toupet, par les tresses de leurs crins, par l’or et la soie dont on les couvre, que par les fers qui sont sous leurs pieds.

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789
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L'homme

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789

Tout concourt donc à prouver que le genre humain n’est pas composé d’espèces essentiellement différentes entre elles, qu’au contraire il n’y a eu originairement qu’une seule espèce d’hommes, qui s’étant multipliée et répandue sur toute la surface de la terre, a subi différents changements par l’influence du climat, par la différence de la nourriture, par celle de la manière de vivre, par les maladies épidémiques, et aussi par le mélange varié à l’infini des individus plus ou moins ressemblants ; que d’abord ces altérations n’étaient pas si marquées, et ne produisaient que des variétés individuelles ; qu’elles sont ensuite devenues variétés de l’espèce, parce qu’elles sont devenues plus générales, plus sensibles et plus constantes par l’action continuée de ces mêmes causes ; qu’elles se sont perpétuées et qu’elles se perpétuent de génération en génération, comme les difformités ou les maladies des pères et mères passent à leurs enfants ; et qu’enfin, comme elles n’ont été produites originairement que par le concours de causes extérieures et accidentelles, qu’elles n’ont été confirmées et rendues constantes que par le temps et l’action continuée de ces mêmes causes, il est très probable qu’elles disparaîtraient aussi peu à peu, et avec le temps, ou même qu’elles deviendraient différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui, si ces mêmes causes ne subsistaient plus, ou si elles venaient à varier dans d’autres circonstances et par d’autres combinaisons.

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Les origines de la vie

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789

Au reste je ne dis pas que dans chaque individu mâle et femelle, les molécules organiques renvoyées de toutes les parties du corps ne se réunissent pas pour former dans ces mêmes individus de petits corps organisés ; ce que je dis, c’est que lorsqu’ils sont réunis, soit dans le mâle, soit dans la femelle, tous ces petits corps organisés ne peuvent pas se développer d’eux-mêmes, qu’il faut que la liqueur du mâle rencontre celle de la femelle, et qu’il n’y a en effet que ceux qui se forment dans le mélange des deux liqueurs séminales qui puissent se développer ; ces petits corps mouvants, auxquels on a donné le nom d’animaux spermatiques, qu’on voit au microscope dans la liqueur séminale de tous les animaux mâles, sont peut-être de petits corps organisés provenant de l’individu qui les contient, mais qui d’eux-mêmes ne peuvent se développer ni rien produire ; nous ferons voir qu’il y en a de semblables dans la liqueur séminale des femelles, nous indiquerons l’endroit où l’on trouve cette liqueur de la femelle ; mais quoique la liqueur du mâle et celle de la femelle contiennent toutes deux des espèces de petits corps vivants et organisez, elles ont besoin l’une de l’autre, pour que les molécules organiques qu’elles contiennent puissent se réunir et former un animal.

On pourrait dire qu’il est très possible, et même fort vraisemblable, que les molécules organiques ne produisent d’abord par leur réunion qu’une espèce d’ébauche de l’animal, un petit corps organisé, dans lequel il n’y a que les parties essentielles qui soient formées.

Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789
Paris, Impr. royale, 1749-1789
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